L’une des principales caractéristiques et particularités de l’EDPN est la cocréation de toutes les formations. Pour nous donner une idée de cette approche, Philippe Forest et Cyrille Sardais discutent avec nous de leur processus de création de l’atelier nommé « Stratégies et tactiques de collaboration efficaces ».

EDPN : Pouvez-vous nous expliquer comment s’est déroulé votre exercice de coconstruction et de coanimation d’un atelier à l’EDPN?

Philippe : À l’EDPN, la coconstruction, on la retrouve partout, et c’est un objectif qu’on partage avec HEC Montréal. D’entrée de jeu, c’est l’ouverture de Cyrille qui m’a frappé. Il y a d’abord eu le coup de foudre d’avoir l’occasion de faire une cocréation, d’autant plus que c’était au bénéfice de tous (non seulement pour la cohorte, mais également pour les formateurs autochtones et allochtones).

Mais en ayant un coéquipier comme Cyrille, qui a démontré un grand intérêt dès le départ, je dois dire que ça s’est presque fait tout seul.

EDPN : À quoi ressemble votre cheminement de cocréation? Avez-vous changé certaines approches pour les adapter au concept de l’EDPN?

Cyrille : On a plusieurs intentions, mais tout est lié directement à la structure même de la formation. La différence entre les structures hiérarchiques – c’est-à-dire entre le mode pyramidal conventionnel et le système de collaboration et de partage de connaissances des Autochtones – est marquante.

Ce que je trouve particulièrement intéressant, c’est qu’alors que les Premières Nations remettent en question certaines de leurs pratiques les allochtones qui fonctionnent de manière plus conventionnelle tendent de plus en plus à se rapprocher des méthodes autochtones.

On partage donc ces différentes visions et on est en mesure de les comparer, de les rendre plus efficientes.

Philippe : De mon côté, je dois commencer par dire que j’ai connu la structure très hiérarchique dans mon bagage professionnel du passé et qu’aujourd’hui je travaille beaucoup plus avec des objectifs d’économie circulaire. L’exercice expérientiel qu’on fera avec la cohorte touche les 2 aspects.

Et ce qui m’a beaucoup plu, c’est l’idée de l’apprentissage par l’expérience. C’est l’un des aspects de la formation qui m’a beaucoup attiré.

Mais au départ, j’ai été un peu déstabilisé par l’approche si ouverte de Cyrille. C’est rare qu’on nous demande : Que proposes-tu? Comment vois-tu cela? L’approche de Cyrille est différente de ce que j’ai connu dans le passé. J’ai beaucoup aimé sa façon de faire, même si c’était relativement nouveau pour moi.

Cyrille : D’ailleurs, l’approche expérientielle sous forme de jeu est déjà utilisée à HEC Montréal, mais là où Philippe a fait une différence, c’est qu’il a choisi une approche nouvelle et un contenu plus précis.

Ce qui a changé, c’est que l’intention est très différente. On a modifié le scénario pédagogique, la façon d’animer, l’intention et les objectifs d’apprentissage; ils sont plus précis qu’à l’habitude. La coconstruction a donc vraiment changé tout le scénario pédagogique du jeu.

EDPN : Et concrètement, comment se fera l’animation de la formation? À quoi ressemblera l’expérience?

Cyrille : Comme on est en expérientiel, ça dépend beaucoup des participants. Ce n’est pas comme si on écrivait tout d’avance. Ça se passe sur 2 jours. D’abord, on présente le jeu; ensuite, les participants répondent à certaines questions sur leur téléphone et voilà, on démarre les discussions, l’analyse des réponses, etc.

Philippe animera l’atelier et aura le 1er rôle. C’est ainsi que ça doit se passer de toute façon, et je crois que Philippe est le mieux placé pour le faire. Je serai pour ma part plus en retrait, en soutien et dans l’analyse.

Philippe : Voilà l’exemple parfait de la façon dont Cyrille arrive à me surprendre (rires). Comme je le disais précédemment, il m’a laissé une grande place.

Cette entrevue illustre l’une des particularités fondamentales de cette nouvelle école. Chacun des enseignements représente autant le leadership pédagogique des Premières Nations que celui des allochtones.

Il ne s’agit donc pas d’une adaptation ou d’une « autochtonisation » des cursus d’enseignement de HEC Montréal, mais bel et bien d’un processus de cocréation « pour et par les Premières Nations », en combinant des notions universitaires. Cet élément distinctif contribue certainement au succès et aux retombées de cette école pour les dirigeants des Premières Nations.

À propos de Philippe Forest, Ojibwé, Peguis First Nation, directeur du développement des affaires et des partenariats autochtones chez Growcer.

Philippe Forest possède plusieurs années d’expérience dans le milieu des Premières Nations au Canada. Il a été agent de liaison autochtone auprès du gouvernement fédéral, chef d’équipe au sein du Groupe tactique d’intervention de la GRC et gestionnaire principal aux Services de soins de santé pour les Premières Nations et les Inuits.

Il s’est également investi à aider les Premières Nations à se positionner dans le milieu des affaires et a eu l’occasion de travailler avec le Conseil de gestion financière des Premières Nations, avant de joindre l’équipe de l’Authorité Financière des Premières Nations (AFPN).

Il occupe actuellement le poste de directeur du développement des affaires et des partenariats autochtones chez Growcer.

À propos de Cyrille Sardais, professeur titulaire, Département de management, et titulaire, Chaire de leadership Pierre-Péladeau, HEC Montréal

Cyrille Sardais s’intéresse principalement aux questions ayant trait au leadership et à la prise de décisions. Il enseigne notamment ces 2 matières à HEC Montréal depuis 2006, de même que les habiletés de direction, aussi bien à la maîtrise qu’au baccalauréat en administration des affaires.

En 2008, il a remporté le Prix du meilleur cas de la Revue internationale de cas en gestion et, en 2009, les prix d’innovation pédagogique et Alma-Lepage de HEC Montréal. De 2012 à 2014, il a dirigé le Département de management de l’École.